Suivi de Rio+20 : Décryptage et analyses de l’agenda post-2015 (4)

 

Article n°4 : Les avancées du processus d’élaboration des ODD

 

 

 

 

Premier Semestre 2013

01/06/2013

 

Association 4D

Et aussi le dossier Rio+20 sur le site de l’encyclopédie du développement durable : http://encyclopedie-dd.org/acces-direct/dossiers/

 

Préambule

 

En revenant sur les travaux du Panel de Haut niveau (HLP) et du Groupe intergouvernemental de travail (OWG), cette quatrième note explicative se propose d’identifier les caractéristiques émergentes de l’agenda post-2015 pour le développement tel qu’il se dessine au sein des dispositifs mis en place dans le sillon de Rio+20. De fait, au fil des réunions, des consultations et des discussions, de nouvelles pistes s’esquissent de plus en plus clairement en vue de l’adoption des nouveaux objectifs de développement durable (ODD) ; prenant racine dans les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) tout en s’efforçant de tirer les leçons de leurs insuffisances.

 

Il s’agira d’abord de présenter brièvement les recommandations portées par le rapport du HLP publié dernièrement, pour ensuite étudier brièvement les propositions concrètes en cours d’élaboration au sein de l’OWG et mettre ainsi une certaine cohérence dans la vision post-2015 portée par les dispositifs issus de Rio+20.

 

Le Rapport du Panel de Haut Niveau (HPL)

 

Produit d’un processus inédit et extrêmement ambitieux de consultations internationales, le rapport dont le HLP avait la charge concernant l’agenda du développement post-2015 vient d’être rendu public. Avec comme titre « Un Nouveau Partenariat Global : Eradiquer la Pauvreté et Transformer les Economies vers le Développement Durable[1] », ce rapport s’attache dans un premier temps à saluer le bilan positif des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), les considérant dans un second temps comme des fondements solides, à même de porter une nouvelle dynamique orientée vers un développement durable.

 

1.       Bilan des OMD : des avancées indéniables à prendre comme base…

 

Dans le résumé préalable de son rapport, le HLP annonce que les treize dernières années ont vu, sous l’impulsion des OMD, la réduction de la pauvreté la plus rapide de l’histoire de l’humanité : un demi-million de personnes sont passées au-dessus du seuil international de pauvreté fixé à $1.25 par jour, la mortalité infantile a diminué de plus de 30% – soit en d’autres termes, environ trois millions d’enfants sauvés en plus chaque année en comparaison aux chiffres de l’an 2000 – ou encore que le nombre de victimes de la malaria a été réduit d’un quart. Attribuant ce progrès sans précédent à une combinaison alliant croissance économique, amélioration des politiques et engagement à échelle mondiale pour les OMD, les experts du HPL estiment dès lors que faire table rase des OMD pour se lancer dans une nouvelle dynamique ex nihilo serait une grande erreur. En ce sens, le nouvel agenda pour le développement post-2015 se doit de garder l’esprit des OMD en conservant une attention particulière aux thématiques de la pauvreté, de la faim, de l’accès à l’eau, à la santé et à l’éducation. Il s’agit, tel que les chefs d’Etats en convinrent lors de la conférence Rio+20, d’élaborer de nouveaux objectifs, basés sur le respect des droits de l’homme universels, tout en terminant l’entreprise lancée par les OMD dont la pierre angulaire est l’éradication de l’extrême pauvreté à l’horizon 2030 ; objectif qui est, selon les membres du HPL, tout à fait réalisable. A noter par ailleurs que les améliorations observées sont également à mettre sur le compte de la pression exercée sur les Etats par le caractère concret et mesurable des OMD, ainsi que, dans certains pays comme la Chine, par l’émergence d’une société civile dont les capacités d’organisations ont pu se voir considérablement renforcées par de nouvelles possibilités de partenariat.

Si ce bilan tel qu’il est exposé par le HLP semble a priori des plus encourageants, il importe néanmoins d’en nuancer les conclusions par quelques remarques. En effet, l’analyse faite par le HLP n’est que partiellement exacte dans la mesure où elle se fonde sur le recul en chiffres bruts de la pauvreté à échelle mondiale, ne tenant donc pas compte des disparités entre pays. En réalité, les améliorations recensées sont essentiellement dues au développement fulgurant de quelques États émergents –la Chine et l’Inde en particulier. Un certain nombre de réserves sont entre autres développées par l’AMCP[2].

 

2.       … Qui demeurent limitées dans une optique de développement durable

 

Il apparaît en tout cas que, pour promouvoir un développement qui soit durable, il soit indispensable de dépasser les OMD qui présentent de nombreuses insuffisances. Ils ne sont d’une part pas assez ciblés sur les plus personnes les plus pauvres et les plus exclues[3]. D’autre part, ils ne prennent absolument pas en compte les conséquences néfastes des conflits et de la violence sur le développement. L’importance de la bonne gouvernance et de l’optimisation des institutions qui garantissent un Etat de droit, la liberté d’expression et la « redevabilité » du gouvernement n’ont pas été inclues aux objectifs, pas plus que le prisme de la croissance n’est associé à une logique inclusive et porteuse d’emplois. Par ailleurs, les OMD ne sont pas parvenus à inclure les aspects économiques, sociaux et environnementaux tels qu’envisagés dans la Déclaration du Millénaire. Environnement et développement demeurent ainsi des préoccupations improprement dissociées.

 

3.       Recommandations du HLP

 

Il s’agissait dès lors pour le HLP de définir ce qu’il paraissait judicieux de conserver, d’amender et d’ajouter aux OMD. Après un travail massif de consultation de la société civile et au regard des mutations observées au sein des sociétés actuelles, le HLP a ainsi identifié cinq axes éventuels d’actualisation des objectifs pour l’agenda post-2015, qui soient applicables tant aux pays développés qu’aux pays en développement :

 

1. Les nouveaux objectifs ne doivent laisser personne en chemin et rester focalisés sur la lutte contre l’extrême pauvreté ;

2. Ils doivent viser en permanence le développement durable ;

3. Ils doivent impulser une économie transformée, inclusive et génératrice d’emplois ;

4. Ils doivent contribuer à construire la paix et à la mise en place d’institutions responsables, efficaces et démocratiques ;

5. Ils doivent impulser un nouveau partenariat mondial.

 

Dressant par la suite une liste indicative d’objectifs mesurables, le rapport du HLP précise qu’il s’agit avant tout des recommandations qui n’ont en aucun cas prétention à être prescriptives.

 

« Our report provides an example of how new goals and measurable targets could be framed in the wake of these transformative shifts. This list is illustrative rather than prescriptive. While views naturally differed within the panel on the exact wording of particular illustrative goals or targets we agreed that our report would be found wanting without a collective attempt to demonstrate how a simple clear agenda building on the MDGs and the Rio+20 process might be elaborated. We hope it will stimulate debate over the prioritisation that will be needed if the international community is to agree a new development framework before the expiry of the Millennium Development Goals. »

Extrait de la Lettre ouverte des trois codirecteurs du Panel, Post-2015 Dr Susilo Bambang, Yudhoyono Ellen Johnson Sirleaf et David Cameron, 30 mai 2013 à l’intention du Secrétaire Général des NU, publiée en introduction du Rapport.

 

On peut pour l’heure noter que les retours sur ce rapport sont assez positifs. Il demeure bien évidemment des insuffisances et insatisfactions qu’il s’agira pour l’AG 2013 et surtout pour le groupe ouvert de travail sur l’agenda post-2015 (OWG) de prendre en considération ; le HLP n’ayant pas quant à lui vocation à exister au-delà de la mission de ce rapport.

 

Bilan des deuxième et troisième réunions du Groupe ouvert de travail (OWG) sur l’agenda du développement post-2015

 

1.       Deuxième réunion de l’OWG

 

La deuxième session de l’OWG s’est tenue du 17 au 19 avril 2013. Ces trois journées de discussions, furent l’occasion de réunir non seulement les membres de l’OWG mais aussi des représentants des Groupes majeurs ainsi que des membres d’autres Etats de l’ONU. Le débat s’est centré autour de la conceptualisation d’objectifs de développement durable (ODD) et, plus particulièrement, de l’éradication de la pauvreté. L’un des principaux points adoptés concerne la nécessité de poursuivre tout objectif non atteint par les OMD. Il importe d’ailleurs de s’appuyer sur le travail réalisé dans le cadre des OMD comme d’un point de départ. L’agenda post-2015 doit donc s’inscrire dans la continuité des OMD tout en prenant en compte la complexité que requiert le développement durable, à promouvoir dans ces trois dimensions. Les ODD doivent en outre rester simples, « tweetable » selon les termes d’un représentant.

 

2.       Troisième réunion de l’OWG

 

La troisième session de l’OWG s’est tenue du 22 au 24 mai 2013, avec pour thématiques : la sécurité alimentaire, la nutrition, l’agriculture durable, la désertification, la dégradation des sols, la sécheresse, l’eau, et les sanitaires. Proclamant la nécessité d’adopter une vision commune qui soit porteuse d’un changement vers une éradication durable de la pauvreté et un développement humain universel, respectant la dignité humaine et protégeant la planète ; il s’agit pour les codirecteurs de l’OWG – les représentants permanents du Kenya et de la Hongrie – de garantir à l’humanité la possibilité de « vivre en harmonie avec la nature, pour le bien-être et le bonheur des générations présentes et futures ». La vision défendue est ainsi assumée comme centrée sur l’humain, l’accent étant mis sur l’éradication de la pauvreté et le caractère irréversible du développement humain. Les trois dimensions du développement durable doivent en cela être considérées de façon équilibrée.

 

 

Autres actualités : le rapport de l’OCDE

 

La publication du rapport de l’OCDE « La Croissance verte au cœur du Développement » est annoncée pour le 5 juin, journée mondiale de l’Environnement. Ce rapport rassemble 74 exemples de politiques vertes et de mesures prises au sein de 37 pays en voie de développement, ainsi que cinq initiatives régionales. La publication met en évidence les impératifs à suivre pour une croissance verte à niveau national, s’inscrivant ainsi dans la continuité de la déclaration de Rio, constituant plus particulièrement une suite au volet « économie verte » dont il faudra sans doute tenir compte dans l’élaboration des fondements d’un développement inclusif, durable et porté par une croissance globale.

 

Le résumé à l’intention des décideurs :

http://www.oecd.org/fr/cad/environnement-developpement/DCD%20Brochure%20FRENCH%20WEB-light.pdf

Le rapport complet en anglais :

http://www.oecd.org/dac/environment-development/greengrowthanddevelopment.htm

 

 

Table des sigles

 

Sigle en anglais Sigle en français Organisme correspondant
10YFP    
CSD CDD Commission pour le Développement Durable
CSO OSC Organismes de la Société Civile
EC CE Commission Européenne
HLP / High Level Panel – Panel de Haut Niveau
HLPF / High Level Political Forum –Forum de Haut Niveau sur le Développement Durable
MDG OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement
OWG / Groupe Ouvert de Travail
NGO ONG Organisation Non Gouvernementale
SDG ODD Objectifs de Développement Durable
SDSN / Sustainable Development Solutions Network – Réseaux de solutions pour le développement durable
UN NU Nations Unies
UNCTAD CNUCED Conférence des Nations Unies sur le Commerce Et le Développement
UNDP PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement
     

 

 

 

Annexe n°1 : Agenda prévisionnel des sessions de l’OWG[4]

 

First session; 14-15 March, 2013 – 2 DAYS
Election of officers, adoption of agenda

General discussion (2 days)

Second session; 17-19 April, 2013 – 3 DAYS
Conceptualizing the SDGs (1.5 days)

Poverty eradication (1.5 days)

Third session; 22-24 May, 2013 – 3 DAYS
Food security and nutrition, sustainable agriculture, desertification, land degradation

and drought (1,5 days)

Water and sanitation (1,5 days)

Fourth session; 17-19 June, 2013 – 3 DAYS
Employment and decent work for all, social protection, youth, education and culture (1.5 days)

Health, population dynamics (1.5 days)

Fifth session; 25-27 November, 2013 – 3 DAYS
Sustained and inclusive economic growth, macroeconomic policy questions (including international trade, international financial system and external debt sustainability), infrastructure development and industrialization (1.5 days)

Energy (1.5 days)

Sixth session; 9-13 December, 2013 – 5 DAYS
Means of implementation(science and technology, knowledge-sharing and capacity building); Global partnership for achieving sustainable development (2 days)

Needs of countries in special situations, African countries, LDCs, LLDCs, and SIDS as well as specific challenges facing the middle-income countries (2 days)

Human rights, the right to development, global governance (1 day)

Seventh session; 6-10 January, 2014 – 5 DAYS
Sustainable cities and human settlements, sustainable transport (2 days)

Sustainable consumption and production (including chemicals and waste) (1.5 days)

Climate change and disaster risk reduction (1.5 days)

Eight session; 3-7 February, 2014 – 5 DAYS
Oceans and seas, forests, biodiversity (2 days)

Promoting equality, including social equity, gender equality and women’s empowerment (1.5 days)

Conflict prevention, post-conflict peacebuilding and the promotion of durable peace,

rule of law and governance (1.5 days)

 


[1]A New Global Partnership: Eradicate Poverty and Transform Economies through Sustainable Development, The Report of the High-Level Panel of Eminent Persons on the Post-2015 Development Agenda.

 

[2] coalition française de l’Action Mondiale Contre la Pauvreté

[4]Agenda disponible sur la plateforme « Sutainable Development Knowledge Platform », http://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/1778Pow2805.pdf